Après HI-SEAS IV [Post in French]

14315504_10210988969506296_1033714190_o.jpg
Les dessins éparpillés dans ce post sont de Toff.

Nous sommes sortis du dôme le 28 août 2016, il y a maintenant plus d’un an et demi.

Les semaines qui ont suivi ont été une succession de redécouvertes. J’ai pu recommencer à faire des rencontres, parler à mes proches, courir à l’air libre, nager, déguster de la nourriture fraîche. J’avais envie d’aller à la rencontre de tous ceux que je croisais : qu’ils me parlent avec leurs voix étrangères, me décrivent comme le monde avait changé en un an, m’apprennent ce qui les motive lorsqu’ils se lèvent le matin. Peu importe. Je voulais les entendre, les connaître.

A la première occasion, j’ai réalisé des projets que j’avais en tête depuis des mois : acheter un ukulélé de bonne qualité et en jouer à l’air libre, marcher à côté d’une coulée de lave, randonner dans la forêt tropicale. Le simple fait d’être dehors me procurait des sensations puissantes. Je pouvais sentir l’air en mouvement autour de moi avec une acuité que je ne me connaissais pas. Et, être seul – sans personne pour me voir ni m’entendre – était tellement relaxant!

J’étais curieux de découvrir les milliers de messages accumulés sur mes réseaux sociaux pendant mon absence et devais répondre à un nombre incalculable d’emails, mais il m’a fallu du temps pour pouvoir me résoudre à passer des heures assis devant un ordinateur : maintenant que mon environnement faisait plus de onze mètres de diamètre, il offrait tellement de possibilités !

14330849_10210998551145831_1215305355_n.jpg

14371925_10210998551225833_1800055013_n.jpg

14331006_10210988884904181_1310211380_n.jpg
L’intéret suscité par la mission m’a permis de parler de Mars à un large public. Merci à vous !

Je suis retourné à Rome pendant quelques mois, terminer différents projets de recherche en astrobiologie. En parallèle, et principalement pendant la nuit, j’ai écrit un livre sur la mission, Vivre sur Mars, où je raconte la mission de mon point de vue.

Couverture_c.png
Vivre sur Mars est dans l’esprit de ce blog, mais avec bien plus d’informations et raconté comme un roman. Avec humour, parait-il.

22095336_10214922978374059_589646021_o.jpg

Petit à petit, je me suis réhabitué à la vie de tous les jours. Une fois l’euphorie des premières semaines estompées, je me suis souvenu à quel point j’appréciais certains aspects du quotidien dans le dôme. Je n’y étais entouré que de personnes soigneusement sélectionnées pour leurs traits psychologiques, leur intelligence et leur passion. Des personnes qui, au fil des mois, sont devenues une famille. Lorsque je suis rentré en Europe, je n’étais plus habitué aux chauffards agressifs qui hurlent sur les autres conducteurs, aux personnes dogmatiques qui s’énervent lorsque l’on s’interroge sur leurs croyances, aux diffamations motivées par la jalousie, à l’abattement des Parisiens dans le métro. Pendant un an, je n’avais pas eu à faire les courses, à patienter dans les embouteillages ou à chercher une banque. J’avais pu dédier la quasi-totalité de mon temps à des tâches stimulantes, que ce soit physiquement ou intellectuellement.

14349007_10210999256603467_199055030_n.jpg

 

Et puis… je suis reparti. Je vous écris maintenant de la base scientifique la plus isolée que l’on puisse trouver : la station Concordia, en Antarctique.

Cette base, située dans la zone la plus froide du monde (les températures peuvent descendre en-dessous de -80°C) est peut-être ce qui se rapproche le plus, sur Terre, d’une base sur Mars. L’environnement est hostile et notre survie y dépend de la technologie. Les communications, permises par des satellites, y sont limitées. A mesure que l’hiver s’installe, nous sommes de plus en plus confinés dans la base, ne sortant qu’avec d’épaisses tenues dont l’encombrement rappelle celle des combinaisons spatiales. Les journées et les nuits s’étalent sur des mois plutôt que des heures et, pendant trois mois, le soleil ne passera même pas l’horizon. Nous sommes à plus de 3200 mètres et la minceur de l’atmosphère aux pôles exacerbe les effets de l’altitude, causant un manque d’oxygène qui affecte notre sommeil, nos capacités cognitives et notre endurance. Et, 9 mois par an, la base est inaccessible : les hivernants doivent se débrouiller seuls, sans possibilité d’évacuation.

Mais il s’agit d’une autre histoire, que je raconte dans un nouveau blog – en français, cette fois : Mars la Blanche. J’espère vous y retrouver !

20180404_162130.jpg
Une photo prise deux jours avant l’écriture de ce post.

 

6 thoughts on “Après HI-SEAS IV [Post in French]

  1. Isabelle says:

    Bonjour Cyprien !

    Ravie de découvrir tes 2 blogs et tes missions, me voilà abonnée et prête à te suivre !
    J’ai moi-même hiverné 14 mois dans les Terres Australes et Antarctiques Françaises sur l’île Amsterdam, tenu un blog en parallèle, et suis en train d’adapter ça en livre. Je crois qu’on est animés de la même passion du partage et des expériences folles 😉 Quand je te lis là, j’ai l’impression de me reconnaitre. Dans les ressentis du retour, dans l’adaptation à l’isolement, dans tout.

    (Ah, et sinon je suis aussi une des responsables de Coline sur l’analyse du mercure atmo, il y aurait eu de bonnes chances pour que je passe à Dôme C l’été prochain mais ça ne va pas se faire car changement de plans pro de mon côté.)

    Bon hivernage à toi, on se recroisera sûrement virtuellement au détour d’un article !

    Liked by 1 person

    1. Cyprien Verseux says:

      Hello Isabelle !

      Ravi de te rencontrer. J’avais déjà vu ton blog (dans la liste des blogs TAAF, j’ai cliqué sur le tien parce que le nom m’a fait sourire). C’est super que tu écrives un livre sur ta mission ! J’ai hâte de le lire. Tu as déjà un éditeur ?

      A bientôt,
      C.

      Liked by 1 person

      1. Isabelle says:

        Génial, comme quoi le monde est petit 😉

        Pour être honnête j’hésite encore entre l’auto-édition et passer par un éditeur… Je suis en train de construire entièrement la maquette moi-même sur Indesign (c’est beaucoup de mise en page photos/textes) et je ne me suis pas encore bien renseignée sur la suite. C’était l’éditeur qui t’avait contacté toi, ou le contraire ?

        Like

  2. Caro says:

    Wow, so cool to read again something from you. I can’t wait to read your book as well – I hope, I’ll find some English version but otherwise my French has to be improved again. 😀 (Like for your new blog… ;))
    All the best wishes for your new adventure and greetings from nearly 20°C (day) in middle-Europe. 🙂

    Like

  3. Antwan says:

    Cyprien tu fais rêver.
    J’ai découvert, lu et relu chacun de tes posts sur tes blogs avec délectation. Merci pour ce partage d’une (de plusieurs!) expériences uniques de vie, bourrées de détails qui font voyager, malgré l’hostilité et la difficulté des conditions physiques/psychologiques, et qui montrent ce que la terre a à offrir.
    Au plaisir de te lire encore, et peut être un jour d’assister à une présentation ou interview, ou te voir t’envoler dans l’espace. Bon courage pour la suite de tes aventures folles, merci d’infuser le goût du voyage, de l’expérience et de la découverte, n’arrête jamais 🙂

    Like

Leave a comment